Le 18 novembre 2004, L’Hebdo consacrait un dossier au scandale de l’îlot de cherté dans notre pays. Il y a treize ans ! Rien n’a changé. Une initiative « Stop à l’îlot de cherté » a été lancée en septembre dernier…
En 2004, les experts, le Secrétariat d’Etat à l’économie en tête, nous expliquaient que les prix effectivement trop élevés en Suisse étaient dus aux freins à la concurrence : au cloisonnement du marché intérieur et aux obstacles au libre-échange.
Que s’est-il passé depuis ? La Suisse a conclu les accords bilatéraux II avec l’Union européenne en 2005 (les accords bilatéraux I étant entrés en vigueur en 2002). Voilà pour le libre-échange avec nos principaux voisins et partenaires commerciaux. Quant au marché intérieur, il allait voir ce qu’il allait voir. Le 30 juin 2006, la Commission de la concurrence communiquait sa satisfaction : « La Comco est convaincue que la révision de la loi sur la marché intérieur, dont l’entrée en vigueur est au 1er juillet 2006, jette les bases d’un marché intérieur suisse plus fonctionnel et – en comparaison avec aujourd’hui – plus dynamique. »
A supposer que ces mesures aient pu améliorer la croissance, ce qui n’a pas vraiment sauté aux yeux, l’îlot de cherté est toujours là, dix ans après.
Autre gag : les experts ont longtemps rendu notre agriculture responsable des prix trop élevés de notre alimentation, à cause des subventions fédérales versées aux paysans. Or le prix du lait a baissé d’environ 30% depuis 15 ans, alors que le prix payé par les consommateurs n’a diminué que d’un peu plus de 17%. Cherchez l’erreur. Et les prix trop élevés d’une voiture, c’est aussi la faute aux paysans, peut-être ? Et les tarifs des télécommunications ? C’est aussi la faute aux subventions fédérales, non ? Et le prix du livre ? Etc…
Le problème est qu’on s’acharne à réclamer la baisse des coûts par rapport à la concurrence étrangère au lieu de s’attaquer aux marges pratiquées par certains intermédiaires et les gros distributeurs qui se sucrent sur notre dos.
Selon une étude réalisée par une société de conseil allemande, Migros et Coop possèdent les marges brutes les plus élevées sur les prix en Europe : 40,2% pour Migros en 2015 et 29,78% pour Coop. En comparaison, les entreprises allemandes ont une marge brute de 25,5%, pour Rewe et de 11,5% pour Edeka. Les chaînes de distribution françaises, Auchan et Carrefour, gagnent respectivement 23,5% et 20,9%. Les plus petites marges reviennent aux détaillants britanniques Tesco (5,2%) et Morrisons (3,8%). M comme meilleur, quoi, mais pour la caisse.
Comme l’écrit le mensuel économique Bilan, le 15 février 2017 : « Au cours de ces dernières années, la forte appréciation du franc a permis aux importateurs de réaliser de jolis gains au détriment des consommateurs et des entreprises. Face à cette situation qui entrave la compétitivité de l’économie helvétique et diminue le pouvoir d’achat, les acteurs politiques ont promis d’agir. »
Fabrice Dunand