Les faits sont connus et reconnus ¹. Le 13 mars dernier, un enfant de huit ans s’est fracturé le bras entre la fin des cours de son école et le début des devoirs surveillés auxquels ses parents l’avaient inscrit. Il est tombé d’un arbre dans la cour de récréation et l’accident aurait pu être plus grave.
Un accident comme les autres ? Pas vraiment. Celui-là témoigne de l’irresponsabilité dont font preuve certaines autorités et de l’indifférence qu’elles manifestent ensuite pour les conséquences de leur laxisme. Voici pourquoi.
Les devoirs surveillés en question sont organisés par la commune, en l’occurrence celle de Bussigny. Les enfants sortent de l’école à 15h05 et retournent en classe à 15h15. Jusque-là, les parents pouvaient penser de bonne foi que ces dix minutes étaient surveillés par les encadrants scolaires. Erreur. Les parents ont découvert à cette occasion que leurs enfants sont laissés à eux-mêmes en attendant le début des devoirs surveillés.
Etonnée que la commune puisse agir ainsi avec les enfants qui lui sont confiés, la maman du gamin a demandé des excuses et une aide financière en raison du suivi médical que son fils doit suivre pendant au moins plusieurs semaines et des désagréments qui s’ensuivent.
Et là, deuxième surprise. La commune de Bussigny l’a envoyée règlementairement sur les roses par la voix de son secrétaire municipal. « D’un point de vue juridique, dit-il, nous ne sommes pas responsables des enfants pendant cette pause entre deux activités séparées, bien qu’elles aient toutes deux lieu dans le périmètre scolaire. Nous ne pouvons donc pas faire marcher les assurances, pour qui le refus de remboursement serait sans appel pour un tel cas. Nous nous excusons tout de même pour cet incident dramatique.»
La réponse est choquante à plus d’un titre. D’abord, c’est un employé communal qui répond et non pas l’autorité politique. Les porte-paroles sont bien commodes : ils sont toujours là pour les mauvaises nouvelles, rarement pour les bonnes. Ensuite, les devoirs surveillés ne sont pas gratuits. Les parents paient 200 francs par année pour que leurs enfants puissent en bénéficier. Mais surtout, la réponse de la commune est absurde. Totalement, complètement absurde. Comment peut-on imaginer un centième de seconde que les parents puissent être responsables de leurs enfants pendant ces dix minutes de battement ? Puisque c’est justement parce qu’ils ne sont pas disponibles à ce moment-là qu’ils ont inscrit leurs enfants aux devoirs surveillés !
Si jamais la maman veut encore espérer obtenir quelque chose, il va lui falloir se montrer docile : «Si la maman nous fait une demande écrite formelle, nous serions peut-être disposés à faire acte de bienveillance.» Autrement dit : remplissez correctement le formulaire (en combien d’exemplaires ?), soyez sage, priez le bon Dieu si vous y croyez, et un acte de bienveillance, un miracle en somme, pourrait peut-être se produire. Comme le dit la maman concernée : « C’est quand même dingue ! »
Fabrice Dunand
¹ Le Matin, 17 mars 2017.