Un projet novateur de lutte contre le cancer, Agora, est mis à l’enquête publique en face du CHUV, à Lausanne. Faire profiter le patient d’une solution personnalisée incluant les dernières avancées de la recherche, en regroupant sur un même site tous les spécialistes du domaine, médecins, biologistes, informaticiens, etc., est l’objectif de ce nouveau centre. Un beau projet permettant certainement d’améliorer l’espérance et la qualité de vie des malades. Mais est-il juste, à ce stade du projet, de parler de centre suisse du cancer, comme le présente ses promoteurs?
Un centre suisse devrait, me semble-t-il, regrouper toutes les meilleures compétences du domaine public et privé permettant de développer, produire et commercialiser des nouveaux traitements contre le cancer. Une telle initiative au bénéfice du patient permettrait également de créer des emplois, et pas seulement dans le domaine de la recherche de pointe. Pour atteindre cette masse critique dans la région, il manque encore un acteur pharmaceutique leader dans le domaine de l’oncologie et un acteur du « big data », spécialisé dans la collecte et l’analyse de données volumineuses et complexes.
Pour l’heure, le leader mondial dans le domaine du cancer, l’entreprise pharmaceutique Roche, est à Bâle. Elle a commercialisé ces dernières années des médicaments novateurs, traitant différents types de cancer et elle est encore dans la course au leadership dans le domaine des immunothérapies. Utiliser notre système immunitaire en le renforçant pour combattre le cancer est en effet la nouvelle approche suivie par les grands groupes pharmaceutiques – Roche, Novartis, Bristol-Myers Squibb, Merck & Co, AstraZeneca – pour améliorer l’efficacité des traitements contre le cancer.
Quant aux grands noms de l’informatique spécialisés dans le « big data », qui jouent un rôle de plus en plus important dans le secteur de la santé, ils ne sont pas implantés pour l’instant sur l’arc lémanique. Collecter le maximum de données sur les patients suivant un traitement contre le cancer – type de cancer, descriptif de la tumeur, traitements utilisés, résultats atteints par type de traitement, etc. – doit permettre au médecin traitant de sélectionner le meilleur traitement possible en fonction du profil de son patient. Google, qui investit beaucoup dans ce domaine, par exemple en finançant la société Flatiron Health, a installé à Zurich son plus grand centre de recherche et développement en dehors des Etats-Unis. Le groupe y emploie actuellement environ 1500 personnes. Le président de l’EPFL, Patrick Aebischer, a d’ailleurs confirmé récemment l’intérêt d’accueillir un géant du domaine sur l’arc lémanique : « Si j’avais à choisir entre un Prix Nobel et une nouvelle compagnie du type Google, je choisirais la seconde option ». (24 heures 1-2 novembre 2014).
Lausanne est bien parti. Mais pour devenir le centre suisse, voire mondial, du cancer, dont elle a l’ambition, il lui faudra attirer les compétences qui manquent encore pour amener sur le marché des produits ou des services novateurs, synonymes d’amélioration de l’espérance et de la qualité de vie des malades et de création de nouveaux emplois en dehors de la recherche de pointe. Ce devrait être une des priorités du nouveau directeur de la promotion économique de Suisse occidentale (baptisée « Greater Geneva Berne area »), qui prendra ses fonctions en 2015.
Fabrice Dunand