Des classes moyennes qui perdent leurs moyens
Dans des pays comme les Etats-Unis ou la France, le mécontentement des classes moyennes atteint la cote d’alerte. Aux Etats-Unis, le salaire médian d’un homme, ajusté de l’inflation, est aujourd’hui plus bas qu’en 1969 !. D’où le succès d’un Bernie Sanders, d’un côté, et de Donald Trump, de l’autre. En France, 65% des jeunes actifs de 18-34 ans (eux ont au moins trouvé du travail) ne se considèrent pas payés à la hauteur de leurs qualifications. 53% estiment que leur avenir « sera plutôt pire comparée à la vie qu’auront menée leurs parents ». 62%, près des deux tiers, déclarent en outre pouvoir « participer demain ou dans les prochains mois à un grand mouvement de révolte. ».
En Suisse, le mécontentement des classes moyennes n’a heureusement pas atteint ce degré de gravité. Mais leur pouvoir d’achat se dégrade. Les charges auxquelles il est impossible d’échapper augmentent sans cesse, à commencer par les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et assurances sociales). Lentement mais sûrement, un mauvais sillon se creuse et s’amplifie.
Dernier signal en date, la campagne annuelle du Centre social protestant. Elle pointe du doigt les problèmes qui menacent la classe moyenne dite inférieure. C’est près de 28% de la population qui vit avec un revenu proche du seuil de pauvreté dans notre pays et que le moindre pépin – une dépense imprévue de 2’500 francs – peut faire basculer du mauvais côté du seuil. A cette aune-là, c’est un pilier de la réussite économique suisse, la cohésion sociale, qui est en péril. Et les premières conséquences politiques sont visibles.
Malgré un but louable en soi (l’attractivité fiscale du pays et le maintien des emplois), la réforme RIE III a été refusée en votation populaire le 12 février dernier. Pourquoi ? Parce qu’en découvrant le projet, la majorité des classes moyennes a décidé de le rejeter par peur de voir ses impôts augmenter. En un mois, de décembre 2016 à janvier 2017, plusieurs catégories de revenu sont brutalement passées du « oui » au « non » à la réforme.
Revenu mensuel | % de « oui »en décembre 2016 | % de « oui »en janvier 2017 |
5’000 à 7’000 francs | 51% | 38% |
7’000 à 9’000 francs | 55% | 49% |
9’000 à 11’000 francs | 56% | 47% |
Eclairant, non ? La bonne réponse à ce constat ne consiste toutefois pas à augmenter les dépenses sociales, mais à agir sur la croissance et le ressort économique de notre pays. Le chemin actuellement emprunté par le canton de Vaud : dépenser plus pour le social que pour la formation, ne peut nous conduire que dans le mur, comme en France ou ailleurs.
Fabrice Dunand