Testuz Vins: la mondialisation à l’échelle Suisse
Testuz Vins SA, cave emblématique de Lavaux, annonce la délocalisation de la majeure partie de sa production près de Lucerne. Pourquoi? Parce que l’entreprise vend 75% de sa production en Suisse alémanique. Cette restructuration doit permettre de se rapprocher du client et d’économiser des frais de transport. Le centre de décision avait déjà quitté la Suisse romande, son directeur s’étant installé à Köniz, dans le canton de Berne, il y a deux ans. Avec la même argumentation: «Il faut habiter là où le vin se vend».
Le producteur du Coup de l’Etrier n’est pas une multinationale, mais son discours est identique. La seule différence réside dans la localisation géographique de ses clients. Pour une grande entreprise exportatrice, ils sont aujourd’hui encore souvent en Europe ou aux Etats-Unis, mais de plus en plus fréquemment en Asie ou en Amérique latine. Quelles entreprises vont rester dans notre région si tout le monde suit cette logique?
Le mal est peut-être déjà fait. PME Magazine vient de faire une analyse de l’évolution enregistrée en Suisse romande ces vingt-cinq dernières années et le résultat est cinglant: la plupart des grosses PME industrielles qui dominaient le secteur il y a vingt-cinq ans ont perdu leur indépendance. Les centres de décision, sauf quelques exceptions, ont quitté la Suisse romande pour la Suisse allemande ou l’étranger. Il reste quelques mastodontes, comme Nestlé, et les petites entreprises, mais entre les deux, il y a un gouffre.
Malheureusement, lorsque les centres de décision quittent une région, plus rien ne garantit la pérennité des places de travail. Testuz Vins est le dernier exemple en date, après d’autres comme Shire, Merck Serono ou encore Edipresse.
Personne ne veut d’une économie régionale fragile. Il va falloir reconstruire. En commençant par financer les projets innovants lancés par des acteurs ayant un ancrage local, en remettant l’entrepreneur, et non le financier, à la première place, et surtout en mesurant à nouveau le succès d’un acteur économique par l’apport de son patrimoine productif, et non par la plus-value, les millions encaissés lors de la vente de ses actions ou de sa société. Sans cet état d’esprit, partagé par tous, notre région deviendra à son tour un désert industriel.
Fabrice Dunand