Vers une génération de frustrés?
L’Europe a mal à sa jeunesse. Elle n’arrive pas à lui proposer un avenir. Le taux moyen de chômage des 15 à 24 ans en Europe est de 23.6% au premier trimestre 2013. Avec des disparités importantes entre pays: de 58% en Grèce et 55.8% en Espagne à 7.6% en Allemagne. Les pays en Europe qui s’en sortent le mieux, disposent, comme en Suisse, d’un système de formation dual, combinant formation pratique et scolaire.
Le système d’apprentissage, qui concerne deux tiers des jeunes en formation, doit rester un des piliers du modèle Suisse. Aujourd’hui un CFC permet souvent d’accéder, de manière progressive, à des postes à responsabilité. Il donne également la possibilité aux plus motivés d’obtenir une maturité professionnelle, puis d’effectuer une formation supérieure. Casser ce système, en instaurant une course aux diplômes avant l’entrée sur le marché du travail, n’améliore rien nulle part.
Dans le canton de Vaud, la réforme de la loi sur l’enseignement obligatoire, la LEO, entre en vigueur à la prochaine rentrée scolaire. D’après les critères d’orientation définis actuellement, 68% des élèves seraient orientés en voie prégymnasiale, contre 36% aujourd’hui. Inquiétant? Sachant que la voie prégymnasiale est traditionnellement, comme son nom l’indique, la porte d’entrée pour le gymnase et la maturité, il est légitime de se poser la question suivante: le Conseil d’Etat souhaite-t-il augmenter le nombre de bacheliers? Pour mieux préparer les jeunes à l’avenir?
C’est une illusion de croire que la course aux diplômes favorise l’insertion des jeunes dans le monde du travail. Ce n’est pas en formant seulement des doctorants de l’université que l’insertion des jeunes dans le monde du travail va s’améliorer. Multiplier les diplômes, c’est les dévaloriser sur la durée. On le voit bien, notamment en France. La demande des entreprises ne fait que s’adapter à l’inflation de l’offre. Et l’attente des candidats envers leur employeur augmente avec l’accumulation des diplômes.
La course au diplôme produit dans la durée les deux phénomènes suivants: 1) l’exclusion de manière définitive du monde du travail d’un jeune, sans les papiers demandés pour un poste, mais avec les capacités et la motivation requises 2) une génération de jeunes surqualifiés pour leur poste, pouvant apporter davantage au vu des connaissances acquises, mais sans en avoir l’opportunité.
Voulons-nous d’une jeunesse, soit insuffisamment, soit trop formée, mais jamais à sa place? La réponse est non. Nous ne voulons pas d’une génération de frustrés. Le Conseil d’Etat devrait donc revoir d’urgence les critères d’orientation des élèves des classes obligatoires. Avant la rentrée scolaire!
Fabrice Dunand